Déclaration des syndicats CGT
Ugict Air France - Sictam Aéroports de Paris
La multiplication des "plans sociaux" annoncés par les actionnaires et dirigeants des groupes du CAC 40, ceux du transport aérien et autres entreprises cotées en bourse, vise à engager un bras de fer avec les salariés mais aussi avec la République.
Au nom de la baisse du "coût" du travail et des "charges dites patronales", le chantage est clair. Soit les salariés et le gouvernement acceptent la réduction des effectifs, la mise en concurrence des salariés au niveau national et international ; soit les "investisseurs", c'est-à-dire les spéculateurs de la finance, s'en vont ailleurs faire des profits.
Cette offensive téléguidée par le MEDEF poursuit deux objectifs majeurs :
1. En finir durablement avec la part socialisée de notre salaire, c'est-à-dire, notre "Sécu" et notre système de retraite. En effet, les actionnaires considèrent que l'heure est venue d'en finir avec le principe actuel de la cotisation sociale par la suppression de la part des cotisations dites patronales.
Dès lors, le financement serait à la charge exclusive des salariés par une augmentation de leurs cotisations, de l'impôt et/ou de la CSG pour garantir son équilibre; voire par un système de protection par capitalisation, de type anglo-saxon, inaccessible à la majorité des salariés.
2. Imposer des accords "compétitivité-emplois" par entreprise, chers au précédent Président, avec des suppressions massives d'emplois et une flexibilisation totale des conditions de travail En bref, la casse du code du travail et du Contrat à Durée Indéterminée. Les négociations sont en cours.
Pour nos syndicats CGT, céder à ce chantage déclencherait un séisme social pour les salariés dans les mois à venir.
Alors que les prévisions de trafic sont toujours à la hausse, les actionnaires et les directions d'Air France (AF) et d'Aéroports de Paris (ADP), s'inscrivent dans cette logique : répondre aux exigences de rentabilité définies par les marchés financiers. Air France (plan Transform 2015)annonce la suppression de 5122 emplois et se désengage sur plusieurs aéroports. ADP priorise, par acquisition, une "croissance externe" dans plusieurs aéroports internationaux et réduit l'emploi dans nos aéroports.
La logique actionnariale a un bilan : la contrainte, l’inefficacité, la régression.
Les actionnaires, la finance et les gouvernements successifs, de part la place qui est la leur, portent la totale responsabilité de ces crises systémiques à répétition lorsqu'ils se sont engagés sans retenue dans une stratégie économique mondialisée, sans règles ni barrières commerciales et financières, porteuse d'une logique du "moins disant et moins coûtant". C'est pourquoi, la politique menée par les deux entreprises AF et ADP depuis leur privatisation, est basée sur le renoncement vis-à-vis de l’intérêt public et l’abandon d’une vision de complémentarité.
Dès lors, Air France et ADP, engagés dans un positionnement de leadership mondial, se sont engouffrés dans des pratiques de concurrence effrénée avec les autres grands groupes aériens européens. Leurs seules «variables d'ajustement" : l'emploi, les salaires et les droits sociaux des salariés. Aujourd’hui, les exigences des actionnaires pilotent dangereusement toutes les missions de l’encadrement.
Le bilan de cette logique: une réduction massive d’emplois, une remise en cause des statuts des personnels, un accroissement sans précédent de la sous-traitance et un sous-développement social.
C'est la naissance du "low cost", envahissant le ciel et les aéroports. L'émergence actuelle des compagnies régulières protégées du Moyen-Orient mais dépourvues de protection sociale sérieuse pour leurs salariés découle aussi de cette concurrence commerciale à tout prix.
Dans cette recherche obsessionnelle de leadership mondial voulue par les actionnaires et les gouvernements, le bilan social et économique de la stratégie d'alliance franco-néerlandaise, comme celle de la fusion entre la compagnie néerlandaise KLM et AF ou celle de la prise de participation actionnariale croisée d'ADP/ Schiphol, doit être fait.
Les dirigeants d'Air France, avec leur plan " low cost", ont beau jeu de présenter des chiffres pour dramatiser la situation tout en dédouanant les actionnaires et le gouvernement, ils doivent tous répondre à des questions.
Comment ont-ils pu procéder à cette fusion alors qu'Air France avait un taux d’endettement de 71% et que celui de la KLM atteignait les 195%, et ce, avec deux systèmes de protection sociale totalement antagoniques ? Ainsi, à ce jour, le poids des fonds de pensions du système de retraite néerlandais, dont la valeur s’est effondrée avec la crise financière de 2008, pèse lourd sur les comptes de l'entreprise.
A propos du gouvernement, pourquoi n'a-t-il pas engagé des actions politiques d'envergure au niveau national et européen contre la fièvre spéculative des marchés financiers sur les produits énergétiques qui plombe la note sur les carburants des compagnies aériennes? De plus, pourquoi l'actionnaire principal ne pose t-il pas son veto sur le projet imminent de pilotage du groupe AF/KLM par une holding financière apatride voulu par la finance?
Concernant Aéroports de Paris, les questions ne manquent pas non plus.
Quel est le bilan des objectifs annoncés de l'alliance d'ADP/ Schiphol qui devaient permettre des coopérations et des synergies? Que penser des résultats financiers de cette alliance actionnariale croisée qui, loin d'être donnant-donnant, fait la part belle aux actionnaires, principalement à ceux de Schiphol sur la répartition des dividendes versés, au détriment des investissements opérationnels utiles ?
L'Etat peut-il annoncer vouloir faire une politique en faveur de l'emploi et exiger chaque année une réduction des emplois de la maison mère et du Groupe qui vient encore de se débarrasser de 5,4% de ses effectifs en 2011, alors que les dividendes versés aux actionnaires (l'Etat compris) pour la même année ont encore progressé de 15,9% ?
N'est-il pas temps de s'interroger sur le fait contradictoire que l'Etat s'arroge le droit d'être, à la fois un actionnaire sans scrupule (droit privé) et vouloir représenter les intérêts publics de la Nation?
La politique destructrice du "moins disant et moins coûtant", de la mise en concurrence des salariés, menée dans nos entreprises, avec comme credo, la « compétitivité », est sans fin.
En réalité, le seul coût qui pèse sur les entreprises et l’économie c'est la contrainte actionnariale et ses pratiques financières. Il faut en sortir.
Il n'y a pas d'issue économique positive sans progrès social.
C'est pourquoi, au cœur de l’indispensable riposte des salariés, nous réaffirmons les principales positions de nos organisations CGT:
1.Le transport est un élément structurantde l'économie nationale. Dès lors, la maîtrise publique doit reprendre la main sur la stratégie économique, financière et sociale de la compagnie Air France mais aussi sur celle d'Aéroports de Paris et de tous les aéroports régionaux. C'est une question de souveraineté : préserver les intérêts sociaux et économiques de notre pays.
2. A l'expérience, les salariés apparaissent bien comme les seuls défenseurs de leur entreprise, dans la mesure où ils n'ont pas vocation à "se tirer un balle dans le pied". Il y a urgence à retirer le pouvoir décisionnel à des actionnaires "sans frontière et sans conscience". Nous posons clairement la question d'une maîtrise sociale et de la place concrète des salariés dans les choix stratégiques de nos entreprises.
3. Enfin, face aux arguments qui sont martelés, jour après jour, par les actionnaires, les dirigeants et le MEDEF sur la nécessité de baisser "le coût du travail", nous posons une question de bon sens. Qui crée toute la richesse dans les entreprises ? La réponse est simple: le Travail et uniquement le travail des salariés! Il ne peut donc être un coût puisqu'il crée la richesse. Ainsi, le salaire, et sa part socialisée (Sécu et retraite), n'est pas un coût mais il a un prix (trop bas).
Nous réaffirmons la supériorité du système français de la Sécurité Sociale, financé par la cotisation prélevée sur les richesses créées par le seul Travail, face au système par capitalisation boursière (fonds de pensions, assurances) dont la valeur peut s'effondrer à tout moment en cas de crise (voir nos collègues hollandais). De fait, notre système, basé sur la cotisation et débarrassé de la prédation du capital - et autres taxes - est un stabilisateur économique et social moderne.
La balle est maintenant dans le camp du gouvernement à qui, ainsi que l’a indiqué Bernard Thibault, il revient de « trancher »entre les revendications « contradictoires » du patronat et celles des salariés.
Paris, le 19 septembre 2012